Voici une autre
histoire du recueil Histoires en train. C’est celle qui ouvre la marche
aux onze suivantes…Bonne lecture !
Dix-sept minutes
4h47.
Argh ! Francis ne s’est pas réveillé
malgré le réveil, encore une fois ! Il a dû se tourner pendant son sommeil,
l’éteindre puis se retourner pour se rendormir. Ca l’étonne à chaque fois
d’être capable de faire ça. Il en serait presque fier ! Il s’est réveillé brusquement, sûrement alerté
par son horloge interne. Le réveil a sonné il y a dix-sept minutes exactement. Il doit se
dépêcher!
En attendant, il va être en retard pour son
train. Le tout premier de la journée, le TGV de 5h 32 en direction de Paris.
Combien de fois est-il arrivé trop tard pour monter dans ce train ? A
chaque fois, il s’est fait remarquer par ses supérieurs !
4h48.
Il se lève en hâte et décide, pour gagner du
temps, de se passer de douche. Sa femme lui maugrée un « bonne
journée » quasi inaudible puis se rendort. Il se dirige vers la salle de
bain à l’aveuglette et tâtonne pour chercher l’interrupteur. Il le trouve et
l’actionne, il est alors aveuglé par la lumière des néons. Intérieurement, il
peste : pourquoi je n’entends pas ce maudit réveil ? Je devrais le placer
loin de moi, ça m’obligerait à me lever pour l’éteindre.
4h52.
Après une très modeste toilette, il passe sa
main sur ses joues puis décide qu’il se dispensera également de rasage. Il enfile
sa tenue propre et repassée (merci chérie !) puis file à la cuisine.
4h55.
Il se
prépare rapidement un café et avale deux tartines qu’il ne prend même pas la
peine de griller ou de beurrer. Il doit aller vite dans ce
contre-la-montre !
5h02.
Pour l’instant, malgré le temps gagné grâce à la
douche et le rasage, il va manquer son train. S’il arrive avant le départ, ce
sera vraiment un miracle ! Il met son manteau puis sort. Le froid de
novembre le saisit alors…la voiture va-t-elle démarrer ? Au pas de course,
il atteint sa guimbarde. Il s’installe au volant, adresse une prière à la
batterie du moteur afin qu’elle ne fasse pas des siennes.
5h04.
Prière exaucée, le moteur ronronne comme un matou.
Sur le trajet qui le mène à la gare, il est
quasiment seul et se permet d’appuyer sur le champignon. L’œil rivé
alternativement sur le compteur, sa montre et aussi un peu sur la route, il
commence à se dire qu’il va peut-être réaliser la performance du siècle en
arrivant à temps malgré un retard de dix-sept minutes sur son emploi du temps
habituel. S’il n’arrive pas à l’heure, son chef ne va pas se contenter de le
réprimander :
« La prochaine fois Francis, ce ne sera pas
qu’un simple avertissement, si vous voyez ce que je veux dire… »
Il sait très bien ce que ça veut dire, il risque
d’être licencié pour faute!
5h26.
La gare approche, il ne va pas se garer sur le
parc de stationnement habituel, trop éloigné et qui l’obligerait à marcher
quelques précieuses minutes. Il passe une première fois devant la gare,
espérant trouver une place bien située. Peine perdue ; il dépasse la gare,
puis exécute un brusque demi-tour… heureusement que la rue est vide !
5h28.
Avisant une voiture qui quitte sa place, Francis
accélère pour être sûr de se l’approprier et s’y place habilement. Il va y
arriver, il le sent. Il sort de son véhicule et claque violemment la porte, la
verrouille, puis se dirige à grandes enjambées vers la gare. La grande horloge
de la façade lui indique qu’il ne lui reste que quatre minutes avant le
départ !
5h31.
Francis entre dans la gare, ne prend pas la
peine de regarder les écrans qui indiquent le quai de son train, c’est le même
depuis des années. C’est le numéro 3, il le sait. Il dévale les escaliers
placés sous les quais puis aperçoit le train.
Plus qu’une minute, et il doit remonter tout le
quai pour atteindre son siège.
Le chef de gare s’apprête à siffler, les portes
vont- elles se fermer ? Hors d’haleine, il manque de renverser d’autres retardataires.
Juste avant d’atteindre son wagon, il trébuche presque sur une valise qui
traîne. Ce n’est qu’un obstacle de plus dans sa course, alors il saute
par-dessus, dans un bond maladroit mais terriblement efficace.
Il est pile à l’heure. Il monte dans le train,
mais au lieu de s’installer dans le wagon de droite avec les voyageurs, il
extirpe de sa poche une petite clé, ouvre la porte de gauche et pénètre dans la
cabine de pilotage.
5h 32.
Le TGV partira à l’heure aujourd’hui : son
conducteur est enfin arrivé.
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