mardi 22 avril 2014

Dix-sept minutes

Voici une autre histoire du recueil Histoires en train. C’est celle qui ouvre la marche aux onze suivantes…Bonne lecture ! 

Dix-sept minutes
4h47.
 Argh ! Francis ne s’est pas réveillé malgré le réveil, encore une fois ! Il a dû se tourner pendant son sommeil, l’éteindre puis se retourner pour se rendormir. Ca l’étonne à chaque fois d’être capable de faire ça. Il en serait presque fier !  Il s’est réveillé brusquement, sûrement alerté par son horloge interne. Le réveil a sonné il y a  dix-sept minutes exactement. Il doit se dépêcher!
En attendant, il va être en retard pour son train. Le tout premier de la journée, le TGV de 5h 32 en direction de Paris. Combien de fois est-il arrivé trop tard pour monter dans ce train ? A chaque fois, il s’est fait remarquer par ses supérieurs !

4h48.
Il se lève en hâte et décide, pour gagner du temps, de se passer de douche. Sa femme lui maugrée un « bonne journée » quasi inaudible puis se rendort. Il se dirige vers la salle de bain à l’aveuglette et tâtonne pour chercher l’interrupteur. Il le trouve et l’actionne, il est alors aveuglé par la lumière des néons. Intérieurement, il peste : pourquoi je n’entends pas ce maudit réveil ? Je devrais le placer loin de moi, ça m’obligerait à me lever pour l’éteindre.

4h52.
Après une très modeste toilette, il passe sa main sur ses joues puis décide qu’il se dispensera également de rasage. Il enfile sa tenue propre et repassée (merci chérie !) puis file à la cuisine.

4h55.
 Il se prépare rapidement un café et avale deux tartines qu’il ne prend même pas la peine de griller ou de beurrer. Il doit aller vite dans ce contre-la-montre !

5h02.
Pour l’instant, malgré le temps gagné grâce à la douche et le rasage, il va manquer son train. S’il arrive avant le départ, ce sera vraiment un miracle ! Il met son manteau puis sort. Le froid de novembre le saisit alors…la voiture va-t-elle démarrer ? Au pas de course, il atteint sa guimbarde. Il s’installe au volant, adresse une prière à la batterie du moteur afin qu’elle ne fasse pas des siennes.

5h04.
Prière exaucée, le moteur ronronne comme un matou.
Sur le trajet qui le mène à la gare, il est quasiment seul et se permet d’appuyer sur le champignon. L’œil rivé alternativement sur le compteur, sa montre et aussi un peu sur la route, il commence à se dire qu’il va peut-être réaliser la performance du siècle en arrivant à temps malgré un retard de dix-sept minutes sur son emploi du temps habituel. S’il n’arrive pas à l’heure, son chef ne va pas se contenter de le réprimander :
« La prochaine fois Francis, ce ne sera pas qu’un simple avertissement, si vous voyez ce que je veux dire… »
Il sait très bien ce que ça veut dire, il risque d’être licencié pour faute!

5h26.
La gare approche, il ne va pas se garer sur le parc de stationnement habituel, trop éloigné et qui l’obligerait à marcher quelques précieuses minutes. Il passe une première fois devant la gare, espérant trouver une place bien située. Peine perdue ; il dépasse la gare, puis exécute un brusque demi-tour… heureusement que la rue est vide !

5h28.
Avisant une voiture qui quitte sa place, Francis accélère pour être sûr de se l’approprier et s’y place habilement. Il va y arriver, il le sent. Il sort de son véhicule et claque violemment la porte, la verrouille, puis se dirige à grandes enjambées vers la gare. La grande horloge de la façade lui indique qu’il ne lui reste que quatre minutes avant le départ !

5h31.
Francis entre dans la gare, ne prend pas la peine de regarder les écrans qui indiquent le quai de son train, c’est le même depuis des années. C’est le numéro 3, il le sait. Il dévale les escaliers placés sous les quais puis aperçoit le train.
Plus qu’une minute, et il doit remonter tout le quai pour atteindre son siège.
Le chef de gare s’apprête à siffler, les portes vont- elles se fermer ? Hors d’haleine, il manque de renverser d’autres retardataires. Juste avant d’atteindre son wagon, il trébuche presque sur une valise qui traîne. Ce n’est qu’un obstacle de plus dans sa course, alors il saute par-dessus, dans un bond maladroit mais terriblement efficace.

Il est pile à l’heure. Il monte dans le train, mais au lieu de s’installer dans le wagon de droite avec les voyageurs, il extirpe de sa poche une petite clé, ouvre la porte de gauche et pénètre dans la cabine de pilotage.

5h 32.
Le TGV partira à l’heure aujourd’hui : son conducteur est enfin arrivé.


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire